26 mai 2009

Plaidoyer pour un développement raisonnable.

Pour préserver notre planète il importe d’inclure la notion de développement durable dans tous nos raisonnements et dans toutes nos actions et, au tout premier chef, dans chaque processus d’implantation et de réalisation de constructions nouvelles.

Les communes elles-mêmes, dans leur plan local d’urbanisme, ont un volet d’aménagement (le PADD) qui doit intégrer ces préoccupations de développement durable ; préoccupations louables et de bon sens qui semblaient, depuis quelques décennies, avoir échappé aux aménageurs davantage partisans du « après-moi le déluge » que de se soucier de ce qui pourrait rester aux générations futures lesquelles, au lieu de se contenter de quelques miettes et de ressources naturelles plus ou moins mises à mal - plutôt plus que moins - par leurs ancêtres ; c’est-à-dire par nous-mêmes, doivent avoir droit à une qualité de vie que l’on peut leur souhaiter meilleure et sinon au moins identique et en aucun cas inférieure à la nôtre.
Mais, à cette notion de développement durable qui s’exprime à travers des critères quasi exclusivement d’ordre quantitatif, il semble primordial d’intégrer une composante qualitative qui serait celle d’un développement raisonnable.

Un développement raisonnable serait un développement qui ne sacrifierait pas aux lobbies, qui ne succomberait pas aux pressions, qui ferait appel à l’intelligence et à la conscience de l’homme, qui ramènerait au premier plan ce que, dans le temps, on appelait la sagesse paysanne. Ce brave paysan, s’il devait abattre des arbres pour construire ou pour se chauffer n’allait pas se livrer à une déforestation à la brésilienne mais replanter, au fur et à mesure de ses coupes, d’autres arbres capables de prendre le relais et de satisfaire aux besoins de ses enfants ou petits-enfants.

Pour nos communes du bassin versant du lac d’Annecy, dont le territoire est contraint entre le lac d’un côté et la montagne de l’autre, ce développement raisonnable est même nécessaire et doit transcender le simple décompte administratif auquel élus et administrations se livrent au niveau du PADD. Il faut bien évidemment pouvoir continuer à développer nos communes, répondre au besoin de logements des nouvelles générations et de ceux qui, attirés par notre région, souhaitent s’y installer définitivement d’où une réflexion majeure à mettre en œuvre, dans une totale transparence avec les résidents locaux et les associations, pour définir quelles zones pourraient encore être urbanisées et selon quelles conditions car, sans aller jusqu‘à envisager des éco-villes verticales comme l’équipe menée par Jean Nouvel le propose pour le futur Grand Paris, il faut absolument savoir se montrer plus économes de nos terrains.

Comment intégrer harmonieusement dans un paysage lacustre sensible comme le nôtre, avec une faible densité de construction, une architecture plus imposante - économie de terrain oblige - sans créer de déchirure paysagère ? Comment relier ces nouvelles constructions à l’identité historique et culturelle souvent très forte de nos villages afin d’en conserver charme et authenticité ? Comment, dans ce contexte, concilier une architecture obligatoirement plus contemporaine de par les nouvelles exigences de confort des acheteurs tout comme par la nature des matériaux utilisés, avec des réalisations HQE aptes à rendre plus supportable la facture énergétique pour les propriétaires, les locataires … et pour notre planète.

Renouer avec l’urbanisme et remettre au centre de tout nouveau projet l’intérêt général du développement d’un hameau, d’un village, de sa valorisation, de son rayonnement et non pas se limiter au simple acte architectural du « permis de construire » devient indispensable et, à ce titre, seul un développement raisonnable peut faire la part des choses entre intérêt général et intérêts particuliers, relier architecture, urbanisme, continuité et intégration avec l’existant, respect et préservation des perspectives paysagères, impact visuel global, droits de vue du voisinage et plus ou moins-value apportée au secteur.

Pour illustrer cette notion de développement raisonnable, deux projets situés sur la commune de Talloires : l’un ancien, l’autre à venir, sont à ce titre, révélateurs.

Le projet ancien, situé au hameau de Balmettes, n’envisageait pas moins de 5 bâtiments alignés le long de la route départementale, en bordure de lac, faisant effet de muraille continue haute de 12 mètres, supprimant toute vue du lac vers l’intérieur et enlevant du même coup le caractère encore originel du petit lac. Bien que ce projet ne puisse à l’évidence être considéré comme un développement raisonnable du hameau de Balmettes, le Maire n’a pas hésité à recourir jusqu’au Conseil d’Etat pour être forcé de l’admettre. Seul élément tristement « durable » de ce projet, une partie du premier bâtiment - dont la construction avait débuté - subsiste encore en dépit d’un arrêt du tribunal le déclarant illégal !

Comme les exigences des promoteurs et les demandes des associations de défense de l’environnement s’avèrent être, la plupart du temps, diamétralement opposées il n’y a souvent d’autre issue, pour trancher cette opposition, que de recourir à l’arbitrage du Tribunal administratif ; aussi, dans ce contexte « historique » traditionnellement conflictuel, un promoteur a su faire preuve d’originalité et nous a agréablement surpris en nous révélant son projet de réaliser, au cœur du bourg de Talloires, une résidence de tourisme avec hôtel et centre de beauté, spa et remise en forme associés, afin de recueillir nos remarques avant même que le permis de construire ne lui soit accordé.

C’est ainsi que, début avril 2008, nous nous sommes trouvés devant un projet qui, tel qu’il était, ne pouvait recueillir notre adhésion : bâtiments trop hauts, effet de masque du lac vers l’intérieur des terres tout comme disparition presque totale de la vue vers le lac et le château de Duingt depuis un chemin de promenade dans le village, architecture non intégrée au patrimoine bâti local et sans recherche d’insertion paysagère …
Conscient de la pertinence de nos remarques, et bien que la Commission des Sites lui ait donné un avis favorable, ce promoteur n’a pas hésité à remettre à plat son projet et à lancer un concours d’architecte en intégrant dans un nouveau cahier des charges particulièrement exigeant toutes nos observations assorti d’une approche QEB (Qualité Environnementale des Bâtiments) si bien qu’un an plus tard un projet totalement repensé, abouti, réfléchi et qui parvient même à valoriser le paysage si sensible de la baie de Talloires, a vu le jour.
Seul point qui pourra donner lieu à controverses, une partie des bâtiments empiète sur la « fameuse » bande des 100 m de la loi littoral mais c’est dans un secteur de centre bourg déjà urbanisé, classé en zone UT au plan d’occupation des sols ; c’est-à-dire zone d’activités hôtelières et touristiques qui, par conséquent, semble apte à accueillir ce type de construction.

A noter que cette réalisation pourrait permettre d’assurer une continuité de cheminement piéton pour une promenade de bord de lac que nous souhaitons continue de Menthon à Angon et qui bute actuellement sur le parking en impasse de la plage de Talloires. Il serait en effet possible de pratiquer une ouverture en bout de ce parking et, en longeant le côté Nord-Ouest de la résidence de tourisme, de rejoindre le chemin de la Ruaz et de continuer ainsi la promenade à pied vers Angon au lieu d’être obligé de faire demi-tour comme actuellement.

Enfin, élément des plus importants même s’il n’est pas d’ordre environnemental mais économique et social, cet ensemble offre une opportunité exceptionnelle pour revivifier une commune qui, année après année, voit son activité décroître. Les commerces disparaissent les uns après les autres, ceux qui restent réduisent jours et heures d’ouverture : la boulangerie n’ouvre plus que le matin et l’automne prochain il serait même question qu’elle n’ouvre plus que les samedi et dimanche, le bureau de poste a cessé lui aussi d’ouvrir l’après-midi … !
Les occupants de la résidence et les clients du centre de beauté seraient donc les bien venus pour relancer le commerce et faire vivre toute l’année le bourg de Talloires.

Jacques Comte
ADEPT

1 commentaire:

Jacques Bessieres a dit…

Avoir mis comme fil directeur la notion de développement raisonnable pour apprécier les deux projets Balmette et MGM est une approche très constructive.
Très bonne initiative.

Jacques Bessières